Tuesday, October 03, 2006

ORAGE SUR LES MEDIAS
Un directeur de journal laisse publier la photo de la femme de Nicolas Sarkozy en escapade, il est relevé de ses fonctions par le groupe Lagardère. Une journaliste de France 2 épouse le ministre Bodoo et la voilà interdite d'antenne par le patron de la chaîne qui estime que ce lien conjugal risque de peser sur son objectivité dans le débat présidentiel. François Bayrou quant à lui met en doute l'objectivité des medias liés désormais à de grands groupes industriels, il est aussitôt tancé par les dirigeants de TF 1.
Tous ces faits illustrent une crise profonde des medias . Les nouvelles techniques de communication en sont en partie la cause. Quand on peut avoir accès en temps réel à l'information sur Internet, il est évident que l'imprimé a toujours un temps de retard. Mais des facteurs propres à la presse française expliquent aussi le déclin. Les journaux français n'ont pas su séduire les nouvelles générations et leur qualité rédactionnelle laisse souvent à désirer.
Dés lors les journaux français étaient murs pour entrer dans la stratégie des grands groupes industriels qui y voient un moyen pour renforcer leur emprise sur la société. Nous sommes aujourd'hui en présence d'une presse normalisée. Le groupe Dassault a pris le contrôle de l'empire Hersant et de son emblématique Figaro, le groupe Lagardère contrôle Hachette et sa myriade de titres, le groupe Bolloré a conclu une alliance avec le Monde et Libération en difficultés a du faire appel à un partenaire financier, TF 1 et sa constellation audiovisuelle sont contrôlées par le groupe Bouygues.
On peut, pour se rassurer tenter de minimiser l'impact de cette emprise. Les rédactions sont autonomes et le propriétaire financier ne tient pas la plume des journalistes. Certes, mais les choses ne sont ni aussi simples, ni aussi claires. Si la plume est libre, les enjeux stratégiques et financiers commandent et influencent donc le contenu du journal. Les autorisations nécessaires pour exploiter les nouvelles technologies comme la TNT sont délivrées par le gouvernement et on ne peut ignorer que s'ouvrent ainsi de subtils moyens de preSSIOn.
La période pré présidentielle explique la montée de la fièvre actuelle. Chaque candidat se préoccupe de sa politique de communication et cherche à pénétrer le subtil réseau d'influence qui construit l'opinion. On n'a pas fini de recenser les interférences entre les medias et les politiques. Mais, une chose est sure. La lutte pour le contrôle des medias est engagée et on n'a pas fini d'en entendre parler.
Charles Debbasch

SARKOZY AUX ETATS UNIS

La visite de Nicolas Sarkozy aux Etats-Unis ne cesse de faire des vagues. Jacques Chirac aurait qualifié d'irresponsable les déclarations de son ministre de l'Intérieur. Quant aux socialistes, ils ont rangé le président de l'UMP au rayon animalier : il serait pour Fabius le future caniche du Chef d'Etat américain et pour Emmanuelli un chiot couché devant son maitre.
Essayons de remettre un peu d'ordre dans ce débat qui touche au plus profond des orientations politiques.
Observons tout d'abord qu'il est normal et même légitime qu'un candidat potentiel à la Présidence de la République française se rende aux Etats-Unis. Qu'il l'ait fait dans la semaine du 11 septembre au moment où le peuple américain était recueilli dans le souvenir de la tragédie du World Trade Center ne peut qu'être approuvé. Il n'y a pas de concession dans la lutte contre le terrorisme et la barbarie. Et, il faut avoir de la mémoire. Comme le dit justement Michel Sardou dans une de ses chansons « Si les Ricains n'étaient pas là,Vous seriez tous en Germanie,A parler de je ne sais quoi, A saluer je ne sais qui.» Il faut que les nouvelles générations aillent visiter en Normandie ou ailleurs les tombes de ces jeunes américains fauchés dans la fleur de l'âge pour défendre notre liberté au moment où les dictatures nazies ou communistes dressaient le voile noir ou rouge de leur oppression sur le monde. Les Etats-Unis et la France partagent les mêmes idéaux de justice et de liberté et ce n'est pas parce qu'il est à la mode de hurler avec les loups anti-américains que la France doit confondre l'essentiel et l'accessoire.

Cela ne signifie pas pour autant que la France doive couvrir les erreurs de Bush et notamment la guerre en Irak. Mais cela veut dire qu'il faut éviter les rodomontades guerrières, les expressions tonitruantes, les blessures inutiles. En d'autres termes, on peut, sans être le toutou de Bush, refuser d'aboyer avec la meute et préférer la discussion, le débat. Cela nous éviterait le ridicule après avoir hurlé notre hostilité aux Etats-Unis de nous faire tout petit pour ne pas gêner nos exportations de vin ou de foie gras. Au demeurant , les déclarations de Nicolas Sarkozy ont été plus mesurées que le condensé qui en a été publié. Sarkozy n'a pas critiqué la position française sur le fond-il est et reste hostile à l'intervention en Irak-mais sur la forme. Il y avait surement d'autres méthodes que le discours bravache pour faire entendre la différence de la France.

Les sonorités différentes de la droite française ne sont pourtant pas nouvelles. Il existe depuis des lustres une droite francaise pro-atlantique incarnée par le courant démocrate-chrétien puis centriste et une droite gaulliste qui cherche à affirmer l'indépendance de l'Europe par rapport aux Etats-Unis. Les déclarations de Nicolas Sarkozy manifestent à cet égard une évolution puisque le Président de l'UMP se rapproche d'une position plus atlantiste Mais la politique est tout d'abord une affaire de langage. Les paroles enflammées de Villepin au moment du déclenchement de l'affaire irakienne ont flatté l'ego des Français qui se sont imaginés redevenir le centre du monde. Il n'est pas certain que le réalisme de Nicolas Sarkozy ne soit pas plus proche des potentialités françaises. Pour reprendre le langage animalier que l'on évoquait en commençant :rien ne sert de se faire passer pour le roi lion quand on se contente de pousser le cri du coq
Charles DEBBASCH

LA VIE PRIVEE DES HOMMES PUBLICS
A la différence des pays anglo-saxons où il existe une très grande transparence de la vie publique ,la tradition française voulait que l’on n’évoquât jamais la vie privée des hommes publics. La loi sur le respect de la vie privée est certes plus stricte en France qu’en Angleterre. Mais, ce n’est pas la seule raison du silence sur les mœurs des politiques. Il existait, jusqu’à l’époque récente, une frontière subtile entre la vie privée et la vie publique qui reposait sur un pacte non écrit entre journalistes et hommes publics. Les journalistes étaient acceptés dans le cercle intime des politiques à la condition de n’évoquer que les débats et de taire les ébats.
Cela n’empêchait pas le tout Paris d’évoquer dans les dîners en ville les dernières conquêtes ou les ultimes frasques de X ou de Y mais ces propos ne franchissaient pas les murs des imprimeries ou des studios. Ainsi, François Mitterrand a-t-il pu maintenir sa double vie pendant la plus grande partie de ses mandats sans que l’opinion en soit informée.
Le pouvoir n’en enquêtait pas moins sur la vie privée de la classe politique. Les rapports des renseignements généraux comportaient toujours des relations sur le comportement privé des politiques. Tout pouvoir s’intéressait à rechercher des écarts dans la vie de ses adversaires pour y trouver des armes de pression. C’était la zone rose du pouvoir politique où il n’était pas bon de franchir la ligne rouge dés lors que l’on se situait dans l’opposition.
Cette tradition de silence n’empêchait pas les rumeurs de croître ou de prospérer ou les coups tordus de fleurir. Georges Pompidou en fut ainsi la victime lorsqu’ un clan gaulliste qui souhaitait ruiner son accession à la Présidence de la République diffusa des photos vraisemblablement trafiquées qui exhibait Claude Pompidou en très galante compagnie.
Une première frontière allait assez rapidement être franchie au nom de la vérité. Un homme public peut-il prêcher dans sa vie publique des comportements qui sont en contradiction avec sa vie privée. Par exemple, un ministre peut-il demander la restriction de la loi sur le divorce alors qu’il a une ou plusieurs maîtresses. C’est à partir de cette faille que les associations d’homosexuels ont menacé certains hommes publics hostiles au PACS de révéler leur penchant homosexuel. Chacun reconnaîtra qu’il faut, au nom du respect du aux électeurs, exiger que l’homme politique qui se mêle de réglementer la vie privée des citoyens doive avoir un comportement en accord avec ses prises de position.
Un second verrou allait à son tour être gravi . De plus en plus de politiques se servent de leur vie privée comme d’un élément de marketing. Ils exhibent leur femme ou leur compagne , affichent leurs enfants, se font photographier sur les lieux de leurs vacances. Ils se déguisent en sportifs du dimanche pour des courses à pied, en cheval ou en voiture. La vie privée devenant ainsi un moyen de conquérir la faveur du public, le paravent qui cachait le côté intime de la personnalité devient transparent.
La libéralisation des mœurs rétrécit elle-même le champ de la vie privée. Dés lors que la morale devient plus tolérante, il n’y a plus de raison de cacher au bon peuple ce qu’un grand nombre de citoyens pratiquent et, depuis que Michel Rocard a annoncé à tous et à chacun son divorce, les politiques affichent leurs séparations, leurs ruptures ou leurs rapprochements. Les enfants naturels ne choquent plus personne depuis que plus de la moitié des naissances se situe hors mariage et le divorce ne surprend plus dés lors qu’il s’est banalisé.
Un dernier pan de la vie privée des hommes publics est en voie de s’effondrer. Dans une société ou la communication prend une part de plus en plus grande, les relations des politiques avec les journalistes sont de plus en plus fréquentes et, c’est la loi de l’espèce, les amours naissent et des couples mixtes journalistes politiques se forment. La boucle est bouclée. Mais ce sont peut être ces couples là qui aspirent le plus au respect de leur intimité.
CHARLES DEBBASCH

LES PREMIERS COUPS BAS DE LA CAMPAGNE PRESIDENTIELLE
Comme toute compétition, la campagne présidentielle a ses excès. Certains nous présentent les futurs candidats comme des saints, d’autres les diabolisent. Les coups pleuvent souvent bas et chaque campagne est accompagnée de ses rumeurs, de ses dénigrements, de ses attaques personnelles.
Dans chaque camp, un « vicieux » propose les attaques potentielles et les déverse perfidement par les canaux les plus discrets pour que la rivière devienne un fleuve dont on aurait perdu la source. Ces coup bas, on l’aura compris, ne portent pas sur le programme du candidat. Ils visent à ternir son image en s’en prenant à sa vie personnelle, à son entourage familial.
La précampagne de 1974 fut marquée par l’affaire de la feuille d’impôts de Chaban, celle de 1981 se déroula sous le signe des diamants de Giscard. L’actuelle compétition n’est pas en reste. Elle a connu sa première déviation avec la médiatisation démesurée des difficultés conjugales de Nicolas Sarkozy. Voici qu’aujourd’hui, on prétend découvrir qu’un des frères de Ségolène Royal? Gérard Royal, a participé en 1985 à l’attentat contre le Rainbow-Warrior, le navire de Greenpeace coulé par des agents français. Naguère les journalistes étaient friands des déclarations peu conformistes de la femme de Pierre Messmer. Ils s’excitaient lorsque Philippe Léotard s’épanchait sur son frère François .A la veille d’une compétition présidentielle, il ne fait pas bon avoir une famille nombreuse ou des amis d’enfance envahissants.
Je ne suis pas certain que ces divagations marquent vraiment l’esprit des électeurs. Comme toute diffamation, elles ont un autre objectif ; occuper le candidat potentiel sur d’autres terrains que sa campagne, le déstabiliser intérieurement pour le rendre moins compétitif. C’est une sorte de baptême du feu que doit franchir avec succès celui qui aura peut être à porter les plus lourdes responsabilités. Et, s’il faut blâmer les coups bas, la réaction qu’ils inspirent à leur victime est un bon degré de mesure de son sang froid et donc de son aptitude à l’exercice du plus difficile des mandats.
Charles DEBBASCH