Saturday, October 07, 2006

LA FRANCOPHONIE EN SOMMET
La Roumanie a mis ses petits plats dans les grands pour accueillir les participants au XIe Sommet de la Francophonie qui s'est déroulé les 28-29 septembre 2006, à Bucarest : voies réservées sur les autoroutes, congés donnés aux fonctionnaires locaux pour désengorger le centre ville, moyens de sécurité impressionnants. Tout a été fait pour que cette réunion soit un succès. Sur ce plan organisationnel- même si un sérieux coup de pouce haussier avait été donné par les hôteliers sur les prix-, le succès est incontestable. Mais, il faut aller au-delà de l’apparence et essayer de faire le point de l’efficacité de l’Organisation Internationale de la Francophonie-OIF.
A première vue tout baigne. L'Organisation internationale de la Francophonie regroupe désormais 68 pays Cinq nouveaux Etats ont rejoint l'Organisation internationale de la Francophonie .Parmi les candidats, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'OIF ont accepté deux nouveaux membres associés : Chypre et le Ghana, ainsi que trois pays observateurs: le Mozambique, la Serbie et l'Ukraine. En outre la Grèce, l'Albanie, la Principauté d'Andorre et la Macédoine, pays observateurs, sont devenus membres de plein droit de l'OIF.
Ces membres répartis sur les cinq continents sont rassemblés autour du partage d'une langue commune : le français. Les objectifs de l’institution sont ambitieux. Les États et gouvernements membres de l'OIF ont choisi, pour la prochaine décennie, de structurer les interventions de l'organisation autour de quatre missions, la promotion de la langue française et de la diversité culturelle et linguistique ; la promotion de la paix, de la démocratie et des droits de l'Homme ; l'appui à l'éducation, la formation, l'enseignement supérieur et la recherche ; le développement de la coopération au service du développement durable et de la solidarité.
Mais, en s’ouvrant largement même à des pays où le français n’est pratiquement pas parlé, la francophonie tend à se démarquer de ce qui était sa vocation première la défense et illustration de la langue française pour devenir une sorte de groupe de pression international, une mini-Onu séparée par des frontières plus politiques que linguistiques. En témoignent les controverses qu’a connues le sommet de Bucarest à propos du problème libanais qui a motivé la non invitation du président libanais M. Lahoud a affirmé que sa non-invitation au sommet de la francophonie à Bucarest est le fait du chef de l'Etat français. "Chirac a dit à de nombreux pays amis de la France de me boycotter. C'est lui qui a fait en sorte que je ne sois pas invité à ce sommet. Il a toujours eu des contacts personnels au téléphone sur le mode: +Faites-moi ça. Donnez-moi ça. Je le sais parce qu'il a essayé avec moi.", a-t-il rapporté. Quant au Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) il a constaté » que le XIe sommet de la Francophonie qui s'est tenu à Bucarest les 28 et 29 septembre dernier a admis de nouveaux membres, l'Albanie, Andorre, l'ex-République yougoslave de Macédoine et la Grèce, alors que l'Etat d'Israël dont 20% de la population est francophone, n'y est toujours pas admis et n'y a été cité que comme accusé politique".De violentes controverses ont en effet éclaté lors du vote de la résolution finale sur le problème libanais
Le Canada souhaitait que la résolution finale rende hommage à toutes les victimes civiles du conflit entre Israël et le Hezbollah alors que l'Egypte voulait s'en tenir aux seules victimes libanaises.
Ces controverses amènent à se poser la question de savoir si c’est bien la vocation de l’OIF de devenir une sorte de forum politique et si cette extension de son domaine ne se fait pas au détriment de sa vocation première.
L’organisation doit rester avant tout un lieu de partage de la culture française. Et les problèmes ne manquent pas en ce domaine. La lutte pour la diversité culturelle est de plus en plus difficile. La domination du monde anglo-saxon est de plus en plus forte notamment dans le secteur de l’économie même si le président français Jacques Chirac, qui avait boycotté en mars une intervention en anglais à Bruxelles du dirigeant français Ernest-Antoine Seillière, s'est déclaré "pas pessimiste" sur le rôle du français dans l'Union européenne (UE).I l a ajouté"Avec l'entrée de la Bulgarie et de la Roumanie, les membres de l'Organisation internationale de la Francophonie seront désormais majoritaires dans l'Europe de demain" et il jugé qu'avec ces arrivées, "la Francophonie est reconnue et s'affirme". "Je ne suis donc pas pessimiste et je ne pense pas qu'on puisse envisager un recul du français au niveau de l'UE".
L’incapacité pourtant du pôle francophone à se doter les moyens d’une diffusion par les moyens de communication modernes pousse au pessimisme. Les grandes chaînes françaises sont absentes d’une diffusion de masse dans l’espace francophone, si des efforts sont faits pour la diffusion du français, ils restent insuffisants. On entendait très peu parler français durant ce sommet de Bucarest et la nouvelle génération roumaine qui se presse le week-end dans les lieux de loisirs est totalement immergée dans l’univers anglophone : cinéma, musique ; boissons, cigarettes.
Il est sans doute plus facile de débattre de l’avenir du monde que de renforcer la francophonie. Mais l’OIF ne doit pas se tromper de combat.
Charles Debbasch