Tuesday, October 03, 2006

LA VIE PRIVEE DES HOMMES PUBLICS
A la différence des pays anglo-saxons où il existe une très grande transparence de la vie publique ,la tradition française voulait que l’on n’évoquât jamais la vie privée des hommes publics. La loi sur le respect de la vie privée est certes plus stricte en France qu’en Angleterre. Mais, ce n’est pas la seule raison du silence sur les mœurs des politiques. Il existait, jusqu’à l’époque récente, une frontière subtile entre la vie privée et la vie publique qui reposait sur un pacte non écrit entre journalistes et hommes publics. Les journalistes étaient acceptés dans le cercle intime des politiques à la condition de n’évoquer que les débats et de taire les ébats.
Cela n’empêchait pas le tout Paris d’évoquer dans les dîners en ville les dernières conquêtes ou les ultimes frasques de X ou de Y mais ces propos ne franchissaient pas les murs des imprimeries ou des studios. Ainsi, François Mitterrand a-t-il pu maintenir sa double vie pendant la plus grande partie de ses mandats sans que l’opinion en soit informée.
Le pouvoir n’en enquêtait pas moins sur la vie privée de la classe politique. Les rapports des renseignements généraux comportaient toujours des relations sur le comportement privé des politiques. Tout pouvoir s’intéressait à rechercher des écarts dans la vie de ses adversaires pour y trouver des armes de pression. C’était la zone rose du pouvoir politique où il n’était pas bon de franchir la ligne rouge dés lors que l’on se situait dans l’opposition.
Cette tradition de silence n’empêchait pas les rumeurs de croître ou de prospérer ou les coups tordus de fleurir. Georges Pompidou en fut ainsi la victime lorsqu’ un clan gaulliste qui souhaitait ruiner son accession à la Présidence de la République diffusa des photos vraisemblablement trafiquées qui exhibait Claude Pompidou en très galante compagnie.
Une première frontière allait assez rapidement être franchie au nom de la vérité. Un homme public peut-il prêcher dans sa vie publique des comportements qui sont en contradiction avec sa vie privée. Par exemple, un ministre peut-il demander la restriction de la loi sur le divorce alors qu’il a une ou plusieurs maîtresses. C’est à partir de cette faille que les associations d’homosexuels ont menacé certains hommes publics hostiles au PACS de révéler leur penchant homosexuel. Chacun reconnaîtra qu’il faut, au nom du respect du aux électeurs, exiger que l’homme politique qui se mêle de réglementer la vie privée des citoyens doive avoir un comportement en accord avec ses prises de position.
Un second verrou allait à son tour être gravi . De plus en plus de politiques se servent de leur vie privée comme d’un élément de marketing. Ils exhibent leur femme ou leur compagne , affichent leurs enfants, se font photographier sur les lieux de leurs vacances. Ils se déguisent en sportifs du dimanche pour des courses à pied, en cheval ou en voiture. La vie privée devenant ainsi un moyen de conquérir la faveur du public, le paravent qui cachait le côté intime de la personnalité devient transparent.
La libéralisation des mœurs rétrécit elle-même le champ de la vie privée. Dés lors que la morale devient plus tolérante, il n’y a plus de raison de cacher au bon peuple ce qu’un grand nombre de citoyens pratiquent et, depuis que Michel Rocard a annoncé à tous et à chacun son divorce, les politiques affichent leurs séparations, leurs ruptures ou leurs rapprochements. Les enfants naturels ne choquent plus personne depuis que plus de la moitié des naissances se situe hors mariage et le divorce ne surprend plus dés lors qu’il s’est banalisé.
Un dernier pan de la vie privée des hommes publics est en voie de s’effondrer. Dans une société ou la communication prend une part de plus en plus grande, les relations des politiques avec les journalistes sont de plus en plus fréquentes et, c’est la loi de l’espèce, les amours naissent et des couples mixtes journalistes politiques se forment. La boucle est bouclée. Mais ce sont peut être ces couples là qui aspirent le plus au respect de leur intimité.
CHARLES DEBBASCH

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